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traiter d’âne. Si jamais le désir me prenait d’exprimer mon opinion sur le compte de ce saltimbanque, M. Crab m’assura que les colonnes du Sucre d’orge me resteraient ouvertes à deux battants.

Mon interlocuteur s’arrêta et je me permis de glisser un mot au sujet de la rémunération qu’une note imprimée sur la couverture de Sucre d’orge m’avait donné à espérer en échange de mes vers ; en effet, cette revue insistait sur son droit de payer à des prix fabuleux les articles reçus, et déclarait qu’elle déboursait souvent, pour un seul poëme de peu d’étendue, plus d’argent que la Buse Savante, le Nasillard et le Braillard réunis n’en dépensaient en douze mois.

À peine eus-je prononcé le mot « rémunération » que M. Crab ouvrit les yeux, puis la bouche d’une façon démesurée, au point d’avoir l’air d’un vieux canard en proie à une agitation extrême et qui va lancer un couac ; — il resta ainsi, passant à plusieurs reprises la main sur son front, comme s’il se fût senti tout ahuri, jusqu’à ce que j’eusse achevé ce que j’avais à dire.

Mon discours terminé, il s’affaissa dans son fauteuil d’un air très-abattu et ses bras tombèrent inertes de chaque côté du siège, bien que sa bouche demeurât grande ouverte. Tandis que je contem-