inspirée sans doute par l’extrême jeunesse et l’inexpérience que révélait mon extérieur. M’ayant indiqué un siège, il aborda sur-le-champ la question de mon poëme ; — mais toujours la modestie me défendra de répéter les mille compliments qu’il me prodigua. M. Crab (ainsi se nommait le directeur) analysa mon œuvre avec beaucoup de franchise et de tact — n’hésitant pas à m’indiquer quelques légers défauts. Nous causâmes naturellement des strophes publiées dans le Taon ; puissé-je ne jamais être soumis à une critique aussi incisive, à des reproches aussi écrasants que ceux dont M. Crab accabla cette malencontreuse élucubration ! Je m’étais habitué à voir dans le rédacteur en chef de ladite feuille un personnage surhumain ; mais M. Crab m’eut bientôt désabusé sur ce point. Il me dévoila dans leur vrai jour le caractère personnel et les défauts littéraires du Taon, ainsi qu’il se plaisait à désigner ironiquement son confrère. Un triste sire que ce monsieur ! Il avait écrit des infamies. C’était un gazetier à deux sous la ligne et un pitre. C’était une vraie canaille. On lui devait une tragédie qui avait fait pouffer de rire tout le pays, et une comédie qui avait inondé de larmes l’univers. Il avait poussé l’outrecuidance jusqu’à composer ce qu’il appelait une épigramme contre lui (M. Crab) et à le
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