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mitable en l’honneur de « la seule et unique Huile de Bob, » huile qui doit son nom à mon père, l’inventeur distingué de ce cosmétique. Je résolus sur l’heure de devenir un grand homme, et de commencer en devenant un grand poëte. Le soir même je me jetai aux genoux de mon père.

— Mon père, lui dis-je, pardonne-moi ! — mais j’ai l’âme trop élevée pour me résigner à savonner un épiderme étranger. J’ai la ferme intention de planter là ta boutique, je veux diriger une revue, je veux me livrer à la poésie, — je veux composer des strophes sur l’Huile de Bob. Pardonne, et aide-moi à devenir illustre !

— Mon cher Thingum, répliqua mon père (mon nom de baptême me venait du nom de famille d’un riche parent) ; mon cher Thingum, dit-il en me tirant par les oreilles pour me relever, tu vaux ton pesant d’or. Il y a des siècles que je m’en aperçois, et j’avais songé à faire de toi un avocat. Mais le métier a cessé d’être comme il faut, et la politique ne rapporte pas un sou. Tout bien considéré, tu as pris le bon parti ; va donc pour le journalisme, et si tu peux passer poëte en même temps — à la façon de la plupart de ces messieurs — tu auras fait d’une pierre deux coups. Pour t’encourager, dès le début je t’accorde une mansarde, les plumes, le papier et l’encre, un dictionnaire des rimes et un abonne-