quiconque est arrivé à la célébrité n’accomplit qu’un simple devoir en laissant derrière lui, dans sa route ascensionnelle, des poteaux indicateurs qui puissent guider les autres vers le temple de la gloire. Je me propose donc, dans ces pages (que j’avais eu quelque idée d’intituler Memoranda pour servir à l’histoire des Belles-Lettres en Amérique), de fournir d’amples détails sur mes premiers pas, si décisifs, mais faibles et vacillants, dans ce chemin qui m’a conduit au pinacle de la renommée humaine.
Parler de ses ancêtres très-reculés, à quoi bon ? Pendant bien des années, mon père, Thomas Bob, brilla au premier rang parmi les gens de sa profession dans la ville de Smug, où il exerçait les fonctions de barbier-parfumeur. Ses salons étaient le rendez-vous des notabilités de l’endroit, surtout celles de la presse, qui inspirent à leur entourage une vénération et une crainte si profondes. Pour ma part, je regardais les écrivains comme des dieux, et j’absorbais avidement les flots d’esprit et de sagesse qui découlaient de leurs lèvres augustes, tandis qu’on leur savonnait le menton. Pour retrouver la date véritable de ma première inspiration, il me faut remonter au jour à jamais mémorable où le brillant directeur du Taon, déclama devant le cénacle de nos apprentis un poëme ini-