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flacons de sauterne et de clos-vougeot qui se trouvaient devant nous, nous poursuivions notre entretien à tue-tête. Un mot prononcé dans la gamme ordinaire ne serait pas plus arrivé à l’oreille de l’interlocuteur que la voix d’un poisson sortie des profondeurs du Niagara.

« Monsieur ! lui criai-je à l’oreille, vous me parliez avant dîner du danger de l’ancien système de la douceur. Quelques détails là-dessus, s’il vous plaît.

— Oui, répondit-il ; on courait souvent de très-grands dangers. On ne saurait prévoir les caprices des fous ; et à mon avis, que partagent du reste le docteur Goudron et le professeur Plume, il n’est jamais prudent de les laisser errer sans gardien. On peut calmer l’irritation des aliénés, pour me servir de la phrase consacrée, pendant un certain temps ; mais ils sont très-sujets à se révolter à la fin. D’ailleurs, leur astuce proverbiale est incroyable. S’ils nourrissent un projet, ils cacheront leur dessein avec une subtilité merveilleuse ; et l’adresse avec laquelle ils simulent la raison est, pour le métaphysicien, un des plus curieux problèmes que puisse offrir l’étude de l’esprit humain. Lorsqu’un fou semble tout à fait raisonnable, il est grand temps de lui passer la camisole.

— Mais le danger dont vous parlez, mon cher monsieur, votre propre expérience, depuis que