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C’était une nuit terrible, comme on n’en voit qu’une ou deux tous les cent ans. Il neigeait furieusement, et la maison branlait tout entière sous les rafales de la tourmente. Le vent sifflait dans les interstices des cloisons et s’engouffrait rageusement dans la cheminée, plissant et déployant les rideaux du lit, ou mettant en désarroi les papiers qui dormaient près des livres.

Le métaphysicien n’était nullement d’humeur placide. Il éprouvait cette agitation anxieuse que donne la furie d’une nuit de tempête. Il siffla plus près de lui son gros chien noir et, comme il s’assit avec un certain malaise dans le fauteuil, il ne put se retenir de jeter un regard soupçonneux dans les recoins éloignés de la chambre, ceux d’où le flamboiement rouge de la cheminée, ne parvenait à chasser complètement les ténèbres. Ayant achevé cet examen, dont il n’aurait pu dire le but exact, il attira, tout près de lui une petite table couverte de livres, de papiers, et s’absorba bientôt à retoucher un manuscrit volumineux qui devait paraître le lendemain.

Bon-Bon travaillait depuis quelques minutes quand « je ne suis pas pressé, Monsieur Bon-Bon », murmura tout à coup, du fond de la chambre, une voix humble.

— Diable, exclame notre héros, sursautant sur son siège, jetant à terre la table à ses côtés et regardant stupéfait tout autour de lui.

— C’est cela, répliqua calmement la voix.

— Quoi « c’est cela » ? Comment êtes-vous venu ici, vociféra le métaphysicien ? Son regard était tombé sur quelque chose de long étendu sur son lit.