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Herrmann m’agréa avec son air raide et affecté. Prenant mon bras, il me conduisit à ses chambres. Je pouvais à peine m’empêcher de lui rire au nez comme il continuait à discourir avec la gravité la plus profonde, sur ce qu’il appelait « la nature particulièrement raffinée de l’insulte qu’il avait reçue. »

Après m’avoir tenu une harangue fatigante et conçue dans son style ordinaire, il descendit d’un rayon un certain nombre de volumes surannés relatifs au duel et m’entretint longtemps de leur contenu, en lisant à haute voix des passages qu’il commentait à mesure. Je puis tout juste me rappeler les titres de quelques-uns de ces ouvrages. Il y avait l’Ordonnance de Philippe le Bel sur le combat singulier, le Théâtre de l’honneur par Tavyn, un Traité sur la permission des duels par Andiguier. Herrmann m’exhiba encore en grande pompe les Mémoires du duel par Brantôme, Cologne, 1660, un elzévir précieux, unique, sur papier vélin, grand de marges, relié par Derôme.

Mais il réclama particulièrement, avec un air de finesse mystérieuse, mon attention pour un in-octavo épais, écrit en latin barbare par un certain Hedelin, un Français, et portant ce titre singulier : Duelli lex scripta et non, aliterque. De ce dernier ouvrage, il me lut un chapitre, le plus drôle du monde, sur les Injuriæ per applicationem, per constructionem et per se, dont la moitié, à ce qu’il m’assura, concernait directement son cas propre « particulièrement raffiné, » quoique je n’eusse pu comprendre une syllabe de tout son fatras, si ma tête avait été en jeu.