Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/91

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Les paroles que vous avez jugé à propos d’employer, Mein Herr Herrmann, en vous adressant à moi, sont sujettes à des objections de toutes sortes, que je n’ai ni l’humeur, ni le temps de spécifier. Mais dire que mes opinions ne sont pas celles que l’on est en droit d’attendre d’un homme d’honneur, est une assertion si directement offensante, qu’il ne me reste plus qu’une seule ligne de conduite. Quelque courtoisie, néanmoins, est due à la présence de cette compagnie et à vous-même, qui êtes mon hôte. Vous m’excuserez donc si, pour ces considérations, je manque légèrement à l’usage constant entre gens d’honneur, en des cas semblables d’affront personnel. Vous me pardonnerez le petit effort que je vais exiger de votre imagination. Vous vous appliquerez à considérer pour un instant la réflexion de votre personne dans ce miroir, comme le vivant Herr Herrmann lui-même. Cela fait, il n’y aura plus aucune difficulté. Je vais décharger cette carafe sur votre image dans le miroir, et satisferai ainsi en esprit, sinon à la lettre, le ressentiment que me cause votre insulte, tout en évitant de me porter à une violence sur votre personne.

À ces mots, il lança la carafe pleine de vin au miroir qui pendait en face de Herrmann, atteignant l’image de ce dernier avec une grande précision et, comme de juste, brisant la glace en mille morceaux. La compagnie entière se leva et partit, me laissant seul avec Ritzner.

Celui-ci, comme Herrmann sortait, me dit à l’oreille de le suivre et de lui offrir mes services. J’y consentis, ne sachant que faire précisément, dans une affaire aussi ridicule.