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le bon ordre et la dignité de l’université. La profonde, poignante, suprême mortification qui, à chaque insuccès de ses vertueuses tentatives, se marquait sur tous les linéaments de sa physionomie, ne laissait pas la moindre place aux doutes sur sa sincérité, dans l’esprit de ses compagnons, même les plus sceptiques.

Son adresse aussi n’était pas moins digne de remarque, à faire passer le ridicule de l’auteur à l’œuvre, de lui-même aux absurdités qu’il avait suscitées. Je n’ai connu personne, sauf mon ami, qui fît de la mystification son habitude et qui échappât à la conséquence naturelle de ses manœuvres, celle que son caractère ou sa personne tombassent en quelque discrédit. Le baron au contraire, adonné, comme il l’était, à la drôlerie, ne semblait pourtant vivre que pour les sévérités du monde, et pas même sa famille n’a associé un instant à sa mémoire, d’autres idées que celle de majesté et de hauteur.

Pendant le temps où Ritzner séjourna à G-n, il sembla vraiment que le génie du far niente planât comme un incube sur l’Université. On n’y faisait rien que boire, manger et s’amuser. Les chambres des étudiants étaient converties en autant de cabarets, et il n’y en avait pas de plus fameux ou de plus fréquenté que celui du baron. Nos orgies y furent nombreuses, longues, bruyantes et jamais infécondes en événements.

Une nuit, nous avions prolongé notre réunion presque jusqu’au point du jour, ayant bu plus de vin que de coutume. La compagnie se composait de sept ou huit personnes, outre le baron et moi-même. La plupart de ceux qui se trouvaient là, étaient des jeunes gens de