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ment ma prise sur la proboscis de M. Soufflassez, tout au moins pendant la durée assez longue où mon inventeur des peupliers de Lombardie continua à me favoriser de ses explications.

Dans cette conduite, j’étais inspiré par cette prudence habituelle qui est le trait prédominant de mon caractère. Je réfléchis que beaucoup d’obstacles pouvaient encore entraver la récupération que je méditais. Quantité de gens, considérai-je, sont enclins à évaluer les commodités qu’ils possèdent, — en quelque petite estime qu’ils les tiennent d’ailleurs, quelque inutiles qu’elles leur soient, — de les estimer, pensai-je, d’après les avantages qu’en dériveraient d’autres les acquérant. Est-ce que ce ne pouvait être le cas pour M. Soufflassez ? En montrant mon désir de recouvrer le souffle dont il était présentement si porté à se défaire, ne prêterais-je pas le flanc à son avarice ? Il y a des canailles en ce monde, me souvins-je en soupirant, qui ne se feraient pas scrupule d’user déloyalement des avantages qu’ils peuvent avoir sur un voisin, celui-ci fût-il même porte à porte avec eux. « C’est précisément, dit Epictète, au moment où les hommes désirent le plus se débarrasser du fardeau de leurs propres calamités qu’ils se sentent le moins enclins à en soulager, d’autres. » C’est sur des considérations semblables, et en tenant toujours serré le nez de M. Soufflassez, que je crus devoir tourner ma réplique.

— « Monstre, commençai-je du ton de la plus profonde indignation, monstre et idiot à double souffle, est-ce que toi, qu’il a plu au ciel pour tes iniquités de charger de deux respirations, est-ce que toi, dis-je, tu