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médicales les plus rigoureuses ne parviennent pas à établir de distinction entre l’état du patient et ce que nous sommes convenus d’appeler la mort absolue. Habituellement le malade échappe à l’inhumation prématurée, par la connaissance qu’ont ses proches de ses accès précédents, les soupçons qui en résultent, et surtout par l’état de conservation où se maintient son corps. Les progrès de la maladie, heureusement, sont lents. Ses premières manifestations quoique marquées, sont équivoques. Ensuite les accès se caractérisent et se prolongent. C’est cette gradation qui seule assure contre l’inhumation prématurée. Le malheureux qui, du premier coup, serait en butte à une attaque violente, comme cela arrive parfois, serait presque inévitablement livré vif à la tombe.

Mon cas ne se distinguait par aucune particularité marquante de ceux décrits dans les livres de médecine. Quelquefois sans aucune raison apparente, je tombais dans un état de demi syncope, et, sans souffrance, sans pouvoir remuer, ni même penser, éprouvant la connaissance sourde et somnolente de mon existence, de la présence des personnes autour de mon lit, je demeurais inerte, jusqu’à ce que la crise de mon mal me rétablit subitement dans la plénitude de mes facultés. D’autres fois, j’étais frappé rapidement et impétueusement. J’étais saisi de faiblesse, d’engourdissement, de frissons, de vertiges et je tombais tout à coup en une prostration profonde. Alors, des semaines durant, tout était vide, silencieux, noir, et l’univers s’annihilait. Je revenais de ces dernières attaques, aussi graduellement et aussi len-