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voleraient à votre secours s’ils savaient ce que vous souffrez, la certitude que jamais ils n’en seront informés, que votre part désespérée est celle des vraiment morts, ces idées, dis-je, portent dans le cœur encore palpitant une terreur insupportable devant laquelle blêmit et se détourne l’homme le plus déterminé. Nous ne connaissons pas d’agonie plus dure sur terre, nous ne pouvons rêver qu’il y ait un supplice plus hideux dans le dernier cercle de l’enfer. Et c’est là ce qui donne à ce sujet son intérêt extrême, mais dépendant, à cause de l’horreur dont il procède, de notre conviction que les choses contées sont vraies. Or ce que je vais dire est tiré de ma connaissance propre, de mes souvenirs personnels et positifs.

Pendant plusieurs années, j’ai été sujet à des attaques de ce mal singulier que les médecins se sont accordés à appeler catalepsie, faute de dénomination plus précise. Quoique les causes lointaines et immédiates de ce mal, quoique ses diagnostics mêmes, soient encore mystérieux, ses caractères apparents sont suffisamment connus. La maladie a divers degrés. Dans l’un, le patient demeure en une sorte de léthargie extraordinaire, tantôt durant un jour, tantôt durant un temps moindre. Il reste sans sentiment, sans mouvement extérieur ; mais le pouls est encore faiblement perceptible ; quelques traces de chaleur ont persisté ; une faible rougeur colore le centre des joues et, en appliquant un miroir aux lèvres, on arrive à reconnaître l’action tardive, inégale, vacillante des poumons. D’autres fois l’attaque dure des semaines, des mois ; et alors l’examen le plus détaillé, les épreuves