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qu’une cause devant forcément produire son effet, il est nécessaire que les cas fréquents et connus de mort apparente donnent lieu çà et là à des enterrements hâtifs, outre cette considération, nous avons le témoignage direct de l’expérience et des hommes de savoir pour démontrer que souvent de pareilles inhumations ont été accomplies. Je pourrais en citer immédiatement, si cela était nécessaire, une centaine d’exemples bien authentiques. Il serait aisé de multiplier ces histoires, mais je m’en abstiens. Elles nous sont inutiles pour établir une thèse évidente. Et si nous songeons combien il est rare que nous puissions constater ces cas d’enterrement prématuré, il nous faudra admettre encore qu’ils doivent fréquemment se produire sans que nous le sachions. En réalité il n’arrive pas souvent qu’un cimetière soit détourné de sa destination, sans que l’on y trouve des squelettes tordus en postures qui suggèrent les plus épouvantables soupçons. Terribles en effet ces soupçons, mais combien plus terrible la chose !

On peut affirmer sans hésitation que rien n’est plus fait pour inspirer le dernier degré de la détresse physique et morale, que de se sentir enterré vivant. L’oppression insupportable des poumons, les vapeurs étouffantes de la terre humide, l’élancement des vêtements mortuaires, le contact rigide de la maison étroite, la noirceur des ténèbres absolues, le silence qui vous accable, profond et pesant comme une mer, la présence invisible mais perçue du ver, l’universel conquérant, ces épouvantes jointes à l’idée d’herbe verte et d’air au-dessus, avec le souvenir d’amis chers qui