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La douleur de Mme  Clemm, en apprenant la mort de son beau-fils, fut plus âpre qu’on ne pût dire. Il faut songer à l’affection que Poe avait éprouvé pour elle, à la longue vie de misère et d’affliction qu’ils avaient supportée ensemble, à l’isolement et au dénûment où demeurait la vieille femme, pour comprendre en partie ce qu’elle dut sentir. Elle résista cependant au coup et veilla à exécuter les dispositions testamentaires de Poe. Elle mourut en 1871 dans une institution charitable de Baltimore, ayant vécu trop longtemps.



Les mille menus faits recueillis par les recherches laborieuses et sagaces de M. John Ingram, nous découvrent, aussi complètement que peut le faire une biographie, l’organisation morale d’Edgar Poe. Nous connaissons maintenant les circonstances où il s’est débattu, les hasards de sa carrière, ses principaux actes, et, notions plus précieuses, quelle était sa manière d’être d’enfant et d’homme mûr, sa disposition d’esprit dans quelques-uns des accidents les plus tragiques que puissent éprouver un homme. Tout cet ensemble d’actions et de passions manifeste une âme inégale, diverse, maladivement développée dans certaines de ses parties, atrophiée en d’autres. Il paraîtra intéressant de marquer le point exact où l’équilibre était rompu.

Le témoignage de tous ceux qui ont connu Poe, la conduite de sa vie, ses propres paroles, attestent les variations perpétuelles de son humeur entre la tristesse et une confiance extravagante. Il est remarquable que ce soit ce sentiment optimiste qui prédominait. Il a persisté à croire jusqu’à sa mort, qu’il réussirait finalement à sortir de sa mi-