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troupe d’agents électoraux, qu’il fut mis au secret, contraint à boire, mené ivre au scrutin, puis abandonné dans la rue où il fut ramassé. De pareils faits étaient, paraît-il, fréquents.

Cette hypothèse ne s’accorde pas avec les renseignements recueillis par le Docteur Moran, médecin de l’hôpital où Poe fut porté inanimé le 7 Octobre, par des personnes qui l’avaient trouvé affaissé sur un banc de promenade publique. D’après ce docteur, Poe aurait été aperçu le 5 Octobre au soir dans un hôtel, d’où il serait ressorti le lendemain pour aller prendre le train de Philadelphie. Le contrôleur de ce train, traversant les voitures pour se faire remettre les billets, le découvrit endormi dans le wagon aux bagages, et l’ayant réveillé, le mit dans un compartiment qui revenait à Baltimore où Poe avait laissé sa malle. Il dut arriver, le soir du 6, à destination. Il ne fut reconnu par personne, ne retourna pas à l’hôtel. Il erra probablement toute la nuit par les rues et se coucha épuisé, sur le premier banc venu, d’où il fut relevé le matin du 7, vers 9 heures. Cette version rend l’hypothèse des agents électoraux inutile. Que Poe ait ou n’ait été contraint de boire le 3, il paraît établi que le 6, étant ivre ou fou, il avait perdu tout pouvoir de régir ses actes.

Ses forces vitales étaient à bout. Il recouvra un instant connaissance dans la journée du 7, puis à minuit, il expira, frappé au cerveau par une congestion. Deux jours après, on l’enterrait dans le cimetière de Baltimore. M. Wilson Poe, son oncle, lui fit faire une pierre tumulaire, qui se rompit quand on voulut la placer sur la tombe. En sorte que celle-ci resta nue, jusqu’en 1875. À cette date un monument y fut érigé, avec de l’argent recueilli par une souscription publique. La cérémonie fut très-brillante ; il y eut de la musique, des vers et des discours.