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divisent et tombent en mèches. Ils dûrent faire un contraste singulier avec la couleur des yeux qui étaient gris.

En somme c’est là un visage volontaire, marquant la confiance en soi, la force, le sarcasme, la bizarrerie, la douceur, le besoin d’affection, la grandeur intellectuelle, mais ravagé, déformé, portant les traces profondes d’une vie misérable et passionnelle.


V


On ne sait que peu de détails sur le commencement du dernier voyage de Poe. Il paraît établi qu’il séjourna à Philadelphie et qu’il s’y enivra. Ses facultés mentales souffrirent de cet excès. Pendant plusieurs jours, il fut atteint d’une des formes déterminées et connues de la manie. Il se croyait poursuivi sans cesse par des ennemis puissants. Sa santé resta ébranlée par cet accès de délire.

Il alla ensuite à Richmond. Dans cette ville, il fit la connaissance d’une Mme  Weiss qui a laissé des souvenirs sur lui. Elle mentionne la certitude avec laquelle il envisageait la fondation de son magazine : « Quand il en parlait, dit-elle, il dressait la tête, ses yeux brillaient d’enthousiasme. Il répétait : « Je dois et je veux réussir. » « J’observai, écrit-elle plus loin, que ses paupières ne clignaient jamais ; son regard était toujours ouvert et droit. Son expression habituelle était songeuse ou triste. Il avait une façon à lui de considérer à la dérobée, avec un air légèrement interrogateur, les personnes près desquelles il se trouvait. D’un coup d’œil tranquille, il semblait prendre mentalement mesure du