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et votre vie ! Mais, ô ma chère, si je semble égoïste, croyez cependant que je vous aime vraiment, vraiment, et que c’est l’amour le plus spirituel que j’éprouve, même si j’en parle avec le plus passionné des cœurs. Pensez, oh pensez à moi, Hélène, et à vous-même.

« Je voudrais vous réconforter, vous calmer, vous tranquilliser. Vous vous reposeriez de tout souci, — de toute perturbation mondaine. Vous arriveriez à être mieux et enfin à vous guérir. Et si non, Hélène, — si vous mouriez, alors au moins je presserais votre main dans la mort, et de bon gré, joyeusement, joyeusement, je descendrais avec vous dans la nuit du tombeau. Écrivez bientôt, — bientôt — oh bientôt, mais non longuement. Ne vous fatiguez pas, ne vous agitez pas pour moi. Dites-moi ces paroles désirées qui feraient monter la terre au ciel. »


Et cette autre lettre, de novembre :


« Avais-je raison, ma très-chère Hélène, d’après la première impression que vous m’avez faite, — vous savez, j’ai une foi implicite dans mes premières impressions, — avais-je raison de croire que vous étiez ambitieuse ? Si cela est, et que vous veuilliez avoir foi en moi, je puis et je veux satisfaire vos plus extravagants désirs. Ce serait un glorieux triomphe Hélène pour nous, pour vous et pour moi. Je n’ose pas confier mes projets à une lettre, et en vérité je n’ai pas le temps de les esquisser ici ; quand je vous verrai, je vous expliquerai tout, — pour autant du moins que j’ose confier toutes mes espérances, même à vous. Ne serait-ce pas une chose glorieuse, ma chère, d’établir en Amérique la seule aristocratie que l’on ne peut attaquer, — celle de l’intelligence, d’amener sa suprématie, de la conduire et de la régir ? Tout cela, je puis le