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quête d’un ami commun, envoya à Poe en février 1848 une Valentine, petite pièce de vers anonyme que l’on s’adresse à date fixe dans les pays anglais. Poe en devina l’auteur. Il y répondit par une de ses anciennes poésies et reçut en échange un billet. Il raconte lui-même toute cette première phase de son amour, dans une lettre postérieure, qui marque bien l’état de surexcitation nerveuse où il se trouvait. Il n’avait pas encore vu celle qu’il aimait déjà, ou du moins d’après une de ses poésies la plus émue, il l’avait rencontrée, mais longtemps auparavant et de nuit.

En septembre 1848, il se fit donner une lettre d’introduction auprès de Mme  Whitman. Il lui rendit visite à Providence, où elle demeurait. À la seconde entrevue il lui demanda sa main. Mme  Whitman était veuve. Elle ne voulut pas répondre tout de suite, mais promit de lui écrire. Poe dut partir ; la correspondance s’engagea et fut continuée jusqu’en octobre. À cette époque Poe inquiet revint à Providence, supplie encore Mme  Whitman de se donner à lui ; puis ne pouvant en obtenir un oui ou un non, il la pria de lui faire connaître, après une semaine, le parti qu’elle aurait pris. Au bout de ce temps, Mme  Whitman que retenaient la mauvaise réputation de Poe, les conseils de sa mère, de son entourage, son propre manque d’amour, ne voulant pas lui adresser un refus, se servit dans sa lettre de termes si peu clairs que Poe lui annonça son arrivée pour le soir même. Par un revirement d’homme qui n’ose connaître son malheur, à mi-chemin, il revint sur ses pas, rentra à Boston, et moitié fou de crainte, avala une forte dose de laudanum. Il eut l’idée de sortir ensuite porter une lettre. Il tomba inanimé dans la rue, y fut recueilli par une personne qui le connaissait, et sauvé. Deux jours après, il reprit le chemin de Providence, malade comme on peut l’imaginer, et obtint de Mme  Whitman une entrevue, puis une