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Or, que nous enseigne l’analyse des forces mentales ? C’est que le génie le plus haut, le génie que tous les hommes reconnaissent à l’instant, qui s’impose aux individus et aux masses par une sorte de magnétisme incompréhensible, mais irrésistible et irrésisté, le génie qui se révèle par le geste le plus simple, par rien, qui parle sans voix, qui brille dans les yeux avant qu’ils ne regardent, résulte d’une puissance mentale également répartie, disposée en un état de proportion absolue, de façon qu’aucune faculté n’ait de prédominance illégitime. Le génie factice, le génie dans le sens populaire, qui n’est que la prédominance anormale d’une des facultés sur toutes les autres, provient d’une maladie ou d’une déformation organique du cerveau.

Non seulement un génie de cette dernière sorte échouera, s’il est détourné du chemin que lui trace sa faculté maîtresse, mais même quand il le poursuit, quand il entreprend les œuvres où il devrait réussir, il décèle, sans qu’on puisse s’y tromper, les défectuosités générales de sa constitution.

De là vient cette pensée juste que :

Un grand esprit tient de près à la folie.

Je dis que cette pensée est juste, car le poëte y entend précisément le faux génie dont j’ai parlé. Le vrai est sinon universel dans ses manifestations, du moins capable d’universalité, et si, tentant toutes choses, il réussit dans l’une mieux que dans l’autre, c’est simplement par l’inclination où le conduit son goût. À zèle égal, il excellerait également. En somme et pour nous résumer