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Puisque nous en sommes à ce sujet, nous pouvons tout aussi bien présenter, sur l’intention que le poëte a mise dans la caractéristique d’Hamlet, une opinion peu mûrie et qui nous est propre. Shakespeare a dû savoir que l’on observe chez certaines personnes extrêmement ivres, de quelque ivresse qu’il s’agisse, le penchant presque irrésistible à feindre leur égarement plus complet qu’ils ne l’éprouvent réellement. Toute personne pensante arriverait par analogie à soupçonner que pareille chose se passe dans la folie, — ce qui est vrai et hors de doute. Shakespeare sentit qu’il en était ainsi ; il ne le pensa pas. Il arriva à le sentir par son merveilleux pouvoir d’identification, source dernière de son influence sur les hommes. Il écrivit son Hamlet comme si Hamlet c’était lui-même ; ayant d’abord conçu son héros excité jusqu’à la folie partielle par les révélations du fantôme, il sentit qu’Hamlet devrait être poussé à outrer ses divagations.


LXXXVIII


Le docteur Butler, évêque de Durham, demandait une fois au chanoine Tucker s’il pensait ou non que des communautés pouvaient de temps en temps devenir folles, d’un coup, comme des individus individuellement. Ce sujet n’est plus à débattre. Est-ce que les Abdéritains