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LXXII


On sait peu quels effets se tirent du bon emploi de la rime. D’habitude le mot « rime » se dit simplement d’une similitude de sons à la fin de deux vers. Il est curieux de voir pendant combien de temps on s’en est tenu à cette définition étroite. Ce qui plaît d’abord et surtout dans la rime vient du sens et de la sensation d’égalité qui sont la cause, comme on pourrait le démontrer, de tout le charme que procure la musique, spécialement dans ses modifications de rhythme et de mesure. Quand nous regardons un cristal, nous sommes immédiatement frappés par l’égalité qui existe entre les côtés et les angles de l’une de ses faces. Mais en observant qu’une seconde face est exactement semblable à la première, notre plaisir paraît s’être élevé au carré ; à une troisième face, il est porté au cube, et ainsi de suite. Si on mesurait le plaisir ressenti, je ne doute pas qu’on ne le trouvât augmenter mathématiquement dans la proportion que j’indique. Cela, jusqu’à un certain point, après lequel il diminuerait selon la même loi. En fin d’analyse, nous démêlons dans notre jouissance le sens de l’égalité, ou plutôt le plaisir que procure ce sens, satisfait, à l’homme.