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IV


Poe tomba malade ; ses veilles au lit de sa femme, ses privations, le sentiment de la perte qu’il venait de faire, son impuissance à écrire, sa pauvreté croissante, l’avaient de nouveau accablé. Il resta deux mois sans pouvoir reprendre son travail, secouru, lui et Mme  Clemm, par Mme  Schew, puis, quand celle-ci n’y put plus suffire, par une souscription privée qui produisit 100 dollars. Sa constitution était déplorablement minée. Mme  Schew qui le veilla pendant sa maladie, en alternant avec Mme  Clemm, et qui possédait des connaissances médicales élémentaires, étant fille d’un docteur, nous décrit son mal :


» Je fis mon diagnostic, dit-elle, et je le portai au docteur Mott. Je lui dis que quand M. Poe était au mieux, son pouls ne battait que dix fois de suite régulièrement ; à la onzième pulsation, il y avait intermittence. Je pensai qu’en sa meilleure santé, il devait avoir une lésion à l’un des lobes du cerveau, et comme il ne pouvait prendre de stimulants ou de toniques, sans devenir comme fou, je n’avais pas grande espérance qu’il revînt de sa fièvre cérébrale, causée par des souffrances extrêmes, morales et physiques. Cet homme héroïque avait supporté la faim et le froid pour procurer à sa femme la nourriture, les médicaments et les aises dont elle avait besoin. Au point que l’épuisement et la mort menaçaient de l’emporter à chaque réaction de la fièvre, et que les calmants ne