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voir comment on obtient un certain effet, l’expliquer et cependant faillir quand il veut en user. Mais un homme de quelque habileté artistique n’est pas un artiste. Celui là seul est artiste, qui peut appliquer heureusement ses préceptes les plus abstrus. Dire qu’un critique ne saurait écrire le livre qu’il juge, c’est émettre une contradiction dans les termes.


XLV


Le progrès fait en quelques années par les Magazines, ne doit point être interprété comme le voudraient certains critiques. Ce n’est pas une décadence du goût ou des lettres américaines. C’est un signe des temps, c’est le premier indice d’une ère où l’on se portera vers ce qui est bref, condensé, bien digéré, où l’on abandonnera le volumineux ; c’est l’avènement du journalisme et la décadence de la dissertation. Il nous faut plutôt de l’artillerie légère que de grosses pièces. Je ne veux pas affirmer que les hommes ont aujourd’hui la pensée plus profonde qu’il y a un siècle ; mais indubitablement, ils l’ont plus rapide, plus adroite, plus agile, plus méthodique, moins lourde. De plus, le fond des pensées s’est enrichi ; il y a plus de faits, plus à réfléchir. On est enclin à mettre le plus d’idées dans le moins de volume, à les répandre le