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jet et faible leur style, tant il est facile de recourir à la première encyclopédie venue et de mieux s’y instruire. C’est notre sympathie imaginaire pour la foule qui nous contraint à cette folie. — Nous écoutons de même, avec plus d’intérêt, le récit d’une aventure, quand d’autres personnes que nous, assistent à la narration.

Certains auteurs peu réfléchis ont remarqué ce fait et ont tenté de simuler à leurs contes un cercle d’auditeurs pour profiter de cette sympathie. À première vue l’idée semble bonne. Mais dans la réalité, la sympathie existe véritablement ; elle est personnelle, palpable ; elle se communique par des gestes, des regards, de brefs commentaires, — c’est une sympathie de personnes vivantes, toutes absorbées assurément à écouter, mais assises côte à côte. Dans le cas de a ces romanciers, au contraire, nous sommes seuls dans notre cabinet quand on nous demande de croire à la présence d’auditeurs fictifs, qui, loin d’être là en personne, cessent souvent de donner signe de vie pendant deux ou trois cents pages. C’est une sympathie à double dilution, l’ombre d’une ombre. Il n’est pas besoin de dire que cet artifice manque invariablement son effet.