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Or, c’est précisément parce que le labeur et le génie sont à peu près incompatibles, que les grandes œuvres sont rares, tandis que les hommes de génie, comme je l’ai dit, abondent.

Les Romains, qui sont nos maîtres pour la sagacité de l’observation, quoique nos inférieurs pour l’interprétation des faits observés, semblent avoir eu si pleinement conscience de la connexion étroite entre la constructivité et l’œuvre de génie, qu’ils ont cru par erreur que c’étaient deux termes identiques. Un Romain entendait faire le plus grand éloge, quand il disait d’un poëme ou de quelque œuvre semblable, qu’elle était écrite industria mirabili, ou incredibili industria.


XXXIII


Un écrivain de génie, si on ne lui permet pas de choisir son sujet, fera plus mal que s’il n’avait aucun talent du tout. Et que sa liberté est petite ! Il peut assurément écrire ce qui lui plaît, mais son éditeur de même n’imprimera que ce qui lui convient.

La nature de nos lois sur la propriété littéraire, ôte à l’écrivain toute force. Quant à sa liberté d’action, elle est à peu près égale à celle accordée au doyen et au chapitre d’une cathédrale épiscopale anglaise, que convo-