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gédie de Sophocle où le poète introduisit un chœur de dindons pour pleurer la mort de Méléagre. Je remarque, à ce propos, qu’il n’est pas une oie au monde qui, en fait de sagacité, ne se sentît blessée d’être comparée à un dindon.


VII


Si j’étais amené à définir très-brièvement le mot « art », je l’appellerais la reproduction de ce que les sens aperçoivent dans la nature à travers le voile de l’âme. L’imitation de la nature, quelque exacte qu’elle soit, n’autorise personne à prendre le titre sacré d’artiste. Denner n’était pas un artiste. Les grappes de Zeuxis n’avaient rien d’artistique, si ce n’est à vol d’oiseau, et même le rideau de Parrhasius ne parvenait pas à cacher ce qu’il manquait de génie à ce peintre.

J’ai parlé du voile de l’âme ; quelque chose de pareil nous paraît indispensable en art. Nous pouvons toujours doubler la beauté d’un paysage en le regardant les yeux à demi-clos. Les sens perçoivent quelquefois trop peu : ils perçoivent toujours trop.