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a qu’à le fixer par écrit. Mais de simples notes marginales, faites sans que l’on veuille se les rappeler, diffèrent par leur nature et leur but de ces notes commémoratives, ou, plutôt, n’ont pas de but du tout. C’est là ce qui fait leur prix. Elles valent également un peu mieux que des commentaires accidentels et passagers, que de purs cancans littéraires. Ceux-ci, le plus souvent, ne sont que des paroles dites pour parler, tandis qu’on crayonne les notes marginales parce que, tout en lisant, on tient à s’ôter de la tête une idée, qui quelque impertinente, quelque triviale, quelque niaise qu’elle soit, n’en est pas moins une idée, et non pas une de ces conceptions embryonnaires, attendant pour éclore certaine circonstance favorable.

De plus, dans les notes marginales, nous nous parlons à nous-même. Nous causons donc franchement, hardiment, avec originalité, abandon, sans fausse vanité, beaucoup à la façon de Jérémie Taylor, de Sir Thomas Browne, de Sir William Temple, de Burton l’anatomiste, de Butler le logicien, et de quelques autres gens du vieux temps, trop pleins de leur sujet, pour se préoccuper de leur style, qui, mis ainsi hors de cause, se trouve être un style admirable, un style modèle, d’allure tout à fait marginalienne.

Le défaut de place est pour ces crayonnages plutôt un profit qu’un inconvénient. Nous sommes ainsi forcés, quelque diffuse que soit notre pensée, de rivaliser de concision avec Montesquieu ou Tacite (de celui-ci, j’excepte la dernière partie de ses annales), ou même avec Carlyle.

Je me suis laissé dire que l’imitation de ce dernier écrivain ne donne pas toujours un style affecté et plein de solécismes. Je dis solécismes par pure obstination, parce que les grammairiens (qui doivent s’y connaître) insistent pour que je parle différemment. C’est que la grammaire n’est pas ce que les grammairiens pensent. Elle est simplement l’a-