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(car nous n’avions pu assister à la détresse de ces nobles bêtes sans les plaindre,) toute la masse de terre friable qui surplombait l’eau, s’affaissa, enterrant plusieurs buffles dans l’éboulement, sans rendre la rive plus facile d’accès.

Alors, le reste du troupeau commença à pousser une sorte de beuglement ou de plainte lamentable, un cri exprimant plus de douleur lugubre et de désespoir que tout ce que l’on peut imaginer. — Jamais cela ne me sortira de la tête. — Quelques buffles tentèrent encore de traverser le fleuve, luttèrent quelques minutes, puis allèrent à fond. Les flots qui les couvrirent, étaient teints du sang rouge qui jaillit de leurs naseaux dans leur agonie de mort. Mais le plus grand nombre ayant cessé de beugler, sembla s’abandonner avec résignation ; ils roulèrent sur le dos et disparurent. Tout le troupeau fut noyé ; pas un buffle n’échappa. Leurs carcasses se trouvèrent jetées une demi heure plus tard par le courant, sur des rives plates, un peu plus bas, où ils auraient pu aborder en sûreté, s’ils ne s’étaient acharnés bestialement à leur première idée.

4 Mai. Le temps était délicieux. Poussés par un bon vent du Sud, nous avions fait 25 milles à la nuit. Aujourd’hui Thornton était suffisamment remis pour aider à la manœuvre. Dans l’après-midi, il vint avec moi à terre. Nous nous enfonçâmes dans la prairie à l’ouest, où nous vîmes une quantité de fleurs printanières précoces d’une espèce inconnue dans nos établissements. Quelques-unes étaient d’une rare beauté et d’un parfum exquis. Nous vîmes aussi du gibier en grande