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taient, au dire de Greely, (qui n’est nullement enclin à l’exagération) un spectacle non seulement imposant, mais terrible. Les antilopes emportèrent tout devant elles, dans leur premier élan. Ayant sauté par dessus le grand feu, elles coururent aussitôt au petit, dispersant tout autour les tisons et le bois enflammé, puis retournèrent comme folles au plus grand, et ainsi de suite en avant et en arrière, jusqu’à ce que les feux fussent éteints. Alors elles détalèrent comme la foudre du côté de la forêt, en petites troupes. Plusieurs des Indiens furent renversés dans cette mêlée furieuse, et il faut croire que quelques-uns d’entre eux furent blessés sérieusement, sinon mortellement par les sabots pointus des antilopes. D’autres se jetèrent à plat-ventre par terre et évitèrent ainsi toute injure.

Le Prophète et Greely n’étant pas près des feux, ne coururent aucun danger. Le Canadien fut étendu à terre d’abord, par un coup de sabot qui le rendit insensible pendant quelques minutes. Quand il revint à lui, il faisait presque noir ; car la lune avait disparu derrière une grosse nuée d’orage, et les feux s’étaient éteints, les tisons ayant été dispersés çà et là. Il ne vit pas d’Indiens près de lui. Se levant immédiatement pour s’échapper, il se dirigea comme il put, vers l’arbre où gisaient ses deux camarades. Leurs liens furent bientôt coupés, et tous trois partirent en courant du côté de la rivière, sans songer à leurs fusils, ni à rien en dehors de leur salut présent. Ayant fait quelques milles, et trouvant que personne ne les poursuivait, ils ralentirent le pas, et allèrent à une source pour boire un