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Je crois qu’ils se seraient immédiatement dispersés, et nous eussent laissé continuer notre voyage, si ce n’eût été pour les malheureuses paroles dans lesquelles je les informais qu’ils étaient de plus grands coquins que les Ricaris. Ceci était apparemment une insulte de la dernière atrocité, et les mit dans une furie terrible. Nous entendîmes les mots « Ricaris, Ricaris » répétés à chaque instant avec toute l’emphase et la colère possibles. La bande, à ce que nous pûmes juger, se divisa en deux partis, l’un insistant sur la puissance immense de la grande médecine, l’autre sur l’insulte outrageante d’avoir été appelés de plus grands coquins que les Ricaris. Comme les affaires en étaient là, nous maintînmes notre position au milieu du fleuve, fermement résolus à décharger sur ces brigands notre coup de mitraille, à la première injure qui nous serait faite.

L’interprète sur le cheval gris, entra de nouveau dans le fleuve. Il dit qu’il croyait que nous ne valions pas plus qu’il ne fallait ; — que toutes les faces-pâles qui avaient précédemment remonté le Missouri avaient été les amis des Sioux, et leur avaient fait de grands cadeaux ; — qu’eux, les Titons, étaient déterminés à ne pas nous laisser avancer d’un pied, à moins que nous ne venions à terre et leur donnions tous nos fusils, toute notre eau-de-vie et la moitié de notre tabac ; — qu’il était évident que nous étions les alliés des Ricaris, (qui se trouvaient alors en guerre avec les Sioux,) et que notre dessein était de leur porter des provisions, ce qu’eux, les Sioux, ne permettraient pas ; — enfin qu’il n’avait pas grande opinion de notre médecine, car elle nous avait