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Ricaris, qui étaient de grands coquins ; troisièmement, si notre grande médecine n’était pas une très-grosse et très-forte sauterelle verte.

À ces questions, faites avec le plus grand sérieux, Jules répondit d’après mes indications, comme suit : d’abord, que nous avions du whisky en abondance, aussi bien que du tabac, avec une provision inépuisable d’armes à feu et de poudre ; — mais que notre grande médecine venait de nous dire que les Titons étaient de plus grands coquins que les Ricaris, que les Titons étaient nos ennemis, qu’ils nous avaient attendus en embuscade, depuis nombre de jours pour nous attaquer et nous tuer, — que nous ne devions leur rien donner et n’avoir avec eux aucunes relations, — que, par conséquent, nous craignions de leur faire des cadeaux, de peur de désobéir à notre grande médecine, avec laquelle il ne fallait pas plaisanter ; secondement, qu’après ce que nous venions d’apprendre sur leur compte, nous ne pouvions songer à les prendre pour ramer notre barque ; troisièmement, qu’il était heureux pour eux (les Sioux), que notre grande médecine n’eût pas entendu leur dernière question, celle sur la grosse sauterelle ; car dans ce cas, il aurait pu leur en coûter cher ; notre grande médecine n’était rien moins qu’une grosse sauterelle verte, et ils le verraient bientôt à leurs dépens, s’ils ne partaient pas, immédiatement, tous, à leurs affaires.

Malgré le danger imminent dans lequel nous nous trouvions, nous pouvions à peine tenir notre contenance, en voyant l’air de profond étonnement et de stupéfaction avec lequel ces sauvages écoutèrent nos réponses.