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une pareille conduite ne nous serait pas finalement avantageuse. Ce serait plutôt un palliatif que la cure radicale de nos maux. Il était sûr que les Indiens chercheraient à assouvir sur nous leur cruauté, tôt au tard. S’ils nous laissaient partir maintenant, ils nous attaqueraient plus loin en un endroit défavorable, où nous ne pourrions que les repousser tout juste, sans leur inspirer aucune terreur. Situés comme nous l’étions au contraire, il était en notre pouvoir de leur infliger une leçon dont ils se souviendraient. Mais nous pourrions parfaitement ne plus nous trouver, lors d’une autre agression, dans une position aussi bonne. Pensant ainsi, et tous, excepté les Canadiens, approuvant mon avis, je me déterminai à prendre une attitude hardie et à provoquer les hostilités, plutôt que de les éviter. C’était là ce que nous devions faire. Les sauvages n’avaient pas d’armes à feu, si ce n’est un vieux fusil porté par un des chefs. Leurs flèches ne devaient pas être bien efficaces, lancées à une distance comme celle qui nous séparait. Quant à leur nombre nous ne nous en souciions guère. Leur position était telle, qu’elle les exposait à tout le feu de notre canon.

Quand Jules (le Canadien) eut fini son discours sur les dispositions de notre grande médecine, quand l’agitation des Indiens se fut un peu calmée, l’interprète parla de nouveau, nous posant trois questions.

Il voulait savoir : premièrement, si nous avions du tabac, du whisky ou des armes à feu ; secondement, si nous ne désirions pas que les Sioux vinssent ramer notre barque en remontant la rivière, jusqu’au pays des