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chefs avaient des lances garnies de banderoles et étaient des hommes magnifiques.

Ou notre bonne chance, ou la grande stupidité des Indiens, nous tira contre toute attente, de péril. Les sauvages ayant galopé jusqu’à la crête de la rive, juste au-dessus de nous, poussèrent un nouveau cri et commencèrent une longue gesticulation, dont nous comprîmes immédiatement le sens. Ils nous signifiaient de nous arrêter et de venir à terre. Je m’attendais à cette sommation et j’avais arrêté qu’il serait prudent de n’y point prendre garde et de poursuivre notre route. Cette attitude eut un excellent effet. Les Indiens en semblèrent merveilleusement étonnés. Ils ne purent le moins du monde comprendre notre conduite, et firent de grands yeux quand nous continuâmes à ramer sans leur répondre. Ils étaient dans la stupéfaction la plus amusante. Puis, ils commencèrent une conversation animée entre eux ; finalement, ne sachant que faire, ils tournèrent les têtes de leurs chevaux vers le sud et disparurent, nous laissant aussi surpris que joyeux de leur départ.

Cependant nous profitâmes le plus possible de cette chance inespérée. Nous poussâmes en avant de toute notre force, afin de sortir de la région des escarpements avant le retour, que nous prévoyions, de nos ennemis. Après environ deux heures, nous les aperçûmes qui revenaient à une grande distance au sud, en nombre bien plus considérable qu’auparavant. Ils arrivaient au grand galop et furent bientôt au bord de la rivière. Mais notre position était maintenant bien plus avantageuse qu’auparavant, car les rives étaient en pente douce et il n’y