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J’ordonnai de faire force de rames afin de dépasser avant eux l’endroit où le ravin atteignait la rivière. Dès que les Indiens virent par notre vitesse accrue, qu’ils étaient découverts, ils poussèrent immédiatement un grand cri, sortirent du ravin et galopèrent à nous, au nombre d’une centaine.

Notre situation était devenue périlleuse. À presque tous les endroits que nous avions passés ce jour-là, je ne me serais pas du tout soucié de ces brigands. Mais là précisément où nous nous trouvions, les rives étaient particulièrement escarpées et hautes, comme les bords d’un ravin. De sorte que les sauvages étaient en mesure de nous accabler, tandis que notre canon, sur lequel nous avions tant compté, ne pouvait être braqué de manière à leur nuire. Et pour ajouter aux difficultés de notre situation, le courant au milieu de la rivière, était si fort et si agité que nous ne pouvions avancer qu’en lâchant nos armes et en travaillant de toute notre force aux rames. L’eau vers la rive nord était trop basse, même pour la pirogue, et le seul cours que nous pouvions suivre, si toutefois nous nous décidions à avancer, passait à un petit jet de pierre de la rive gauche. Nous y serions complètement à la merci des Sioux, mais nous pourrions user vigoureusement de nos gaffes, aidés du vent et du remous.

Si les sauvages nous avaient attaqués en cette conjoncture, je ne sais pas comment nous leur aurions échappé. Ils étaient tous bien pourvus d’arcs, de flèches, de petits boucliers ronds, et présentaient un aspect extrêmement noble, pittoresque même. Quelques-uns des