Dans l’entre-temps, pour différer mon exécution, pour mitiger les charges qui pèsent sur moi, j’offre à mes détracteurs la triste histoire qui va suivre, histoire dont la moralité ne peut être mise en doute, puisque celui-là même qui se contenterait de parcourir superficiellement mon œuvre, serait forcé de lire dans les lettres capitales du titre, la leçon qu’elle comporte. On me doit même de la reconnaissance pour cette manière de faire, bien plus sage que celle de La Fontaine et de quelques autres, qui retardent la morale jusqu’au dernier moment et la glissent ainsi subrepticement à la queue de leurs fables.
Defuncti injuria ne afficiantur est une loi qui se trouvait gravée sur les Douze Tables, et de mortuis nil nisi bonum est un précepte excellent, même si le mort dont il s’agit n’a été que fort peu de chose. Il n’entre donc pas dans mon dessein de vitupérer la mémoire de mon ami Tobias Dieumedamne. C’était un mauvais garnement, il est vrai, et il n’eut que la mort qu’il méritait. Mais il n’était, certes, nullement à blâmer pour ses vices, qui provenaient d’un défaut physique de sa mère. Celle-ci fit pour son fils ce qu’elle put, le fouettant à tour de bras quand il était en bas-âge. Car pour elle les devoirs étaient des plaisirs, et elle était persuadée que les enfants, comme les beafsteaks coriaces, gagnent à être battus. Mais, la pauvre femme ! Elle avait la malechance d’être gauchère et, pour un marmot, être fouetté de la main gauche est pire que de ne pas l’être du tout.
Le monde va de droite à gauche. Il ne fait donc pas de bien de fouetter de gauche à droite. Si chaque coup