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beaucoup de sang-froid au capitaine Hardy de ramener le canot au navire pour aller charger sa caisse oblongue.

— Asseyez-vous, M. Wyatt, lui dit le capitaine sévèrement. Vous nous ferez chavirer si vous ne restez pas assis parfaitement tranquille. Votre plat-bord donne presque dans l’eau.

— La caisse ! vociféra Wyatt toujours debout, la caisse ! dis-je, capitaine Hardy. Vous ne pouvez me refuser cela, vous ne le ferez pas ; son poids ne sera que peu de chose, ce n’est rien, absolument rien. Par la mère qui vous a mis au monde, pour l’amour du ciel, par votre espoir de salut, je vous implore de revenir chercher la caisse !

Le capitaine, un moment, sembla touché par l’appel saisissant de Wyatt, mais il reprit son air de rudesse et dit simplement :

— Monsieur Wyatt, vous êtes fou ; je ne puis vous écouter. Asseyez-vous, vous dis-je, ou vous ferez chavirer le bateau. — Arrêtez, tenez-le, empoignez-le, il va se jeter par dessus bord. Là, je le savais bien, le voilà à l’eau.

Comme le capitaine parlait, Wyatt avait sauté hors du canot ; nous étions sous le vent du navire ; il parvint à l’atteindre par des efforts surhumains et put saisir une corde qui pendait des chaînes de devant. Nous fîmes notre possible pour le suivre, mais notre canot était comme une plume dans le souffle de la tempête. Nous vîmes d’un coup d’œil que le sort de l’infortuné était clos.