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nous mîmes à fuir sous la voile de brigantine et le petit hunier, tout deux raccourcis à double ris.

Avec cette voilure, nous, marchâmes sans grosses avaries pendant 48 heures ; le navire se montrait excellent sous tous les rapports et n’embarquait que peu d’eau. Après ce temps, la brise commença à souffler de tempête et notre voile de derrière fut lacérée. Nous donnions alors tellement dans l’entre-deux des vagues que le navire embarqua plusieurs paquets d’eau prodigieux, l’un immédiatement après l’autre. Nous perdîmes ainsi trois hommes qui furent balayés avec le dessus de la cambuse et tout la bastingage de bâbord.

À peine nous étions-nous remis, que le petit hunier s’en alla en lambeaux. Nous hissâmes un étai de tempête et, le vaisseau se remit à marcher tant bien que mal pendant quelques heures, tenant tête à l’ouragan mieux que par le passé.

Mais la brise continuait à souffler et nous ne voyions pas signe qu’elle tombât. Les agrès n’y suffisaient plus. Ils fatiguaient énormément, et, le troisième jour, vers cinq heures de l’après-midi, notre mât d’artimon, dans une énorme embardée du côté du vent, passa par dessus bord. Pendant une heure et plus, nous travaillâmes à nous en débarrasser, empêchés par le roulis prodigieux du navire. Avant que nous y eussions réussi, le maître calfat revint de l’arrière et nous annonça qu’il y avait quatre pieds d’eau dans la cale. Pour ajouter à nos malheurs, il se trouva que les pompes étaient bouchées et à peu près hors d’usage.

Alors tout devint confusion et désespoir. On tenta