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« Votre invitation m’a fait beaucoup souffrir. Je ne puis l’accepter, pour un motif de la nature la plus humiliante, — l’état de mes vêtements. Vous pouvez imaginer quelle mortification j’éprouve en vous faisant cet aveu. Mais cela est nécessaire. »


M. Kennedy se résolut à aller voir Poe. Il le trouva mourant presque de faim et dénué de tout. Il pourvut à ses besoins, lui donna libre accès à sa table et prit en main son avenir. Il le recommanda entre autres au Southern literary messenger de Richmond. Son protégé put y publier quelques-uns de ses contes, et y fut bientôt employé en qualité de secrétaire de rédaction. Son concours fut singulièrement profitable à ce magazine. Le tirage en monta dans peu de temps de 700 à 5000 exemplaires. Poe y fit paraître Bérénice, Morella, le Roi Peste, l’Aventure de Hanns Pfaall, et d’autres œuvres qui démontrent à quel point il possédait dès ses débuts toutes ses qualités originales de fantaisiste déductif.

M. Kennedy continuait à tenir Poe en grande considération. Après 18 mois de connaissance intime, il n’avait rien trouvé qui pût le faire changer d’avis sur le caractère de son obligé. M. Allan était mort en Mars 1834, sans se souvenir dans son testament de son fils adoptif. Celui-ci avait trouvé à Baltimore une parente, Mme  Clemm, sa tante maternelle. Mme  Clemm avait une fille, Virginie, née en 1822, de qui Poe devint amoureux. Il la demanda en mariage, et l’épousa à Richmond le 6 Mai 1836.

Dès les premiers temps de cette union, la grande torture de Poe, celle qui dura toute sa vie, ses embarras d’argent, commença. Il put se maintenir quelque temps par l’aide de M. Kennedy. Mais le salaire qu’il touchait au Southern literary messenger demeurant trop minime, il quitta son em-