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trOuvOns vOtre tOn drÔle. — N’Oubliez pOint, qu’On vOus l’annOnça. — Or cessOns de nOus tOrdre cOmme une Oie au fOnd d’un trOu. AllOns, sOrtOns et nOyOns nOtre cOlère dans un brOc. »

Épuisé, comme de juste, après cet effort prodigieux d’imagination, le grand Têtecarrée en fut réduit à ne rien écrire de plus pour cette nuit-là. Fermement, posément, avec un air de grandeur consciente, il tendit son manuscrit au compositeur qui attendait, et, étant rentré lentement chez lui, il se mit au lit avec une dignité ineffable.

Cependant le compositeur qui tenait enfin sa copie, grimpa au premier étage, à sa casse, et se mit aussitôt à l’œuvre, piquant sa feuille devant lui. Tout d’abord, le premier mot étant : « QuOi, » il plongea dans le cassetin aux Q majuscules et en retira heureusement la lettre cherchée. Pour le petit u, il en fut de même. Réjoui par ce succès, l’ouvrier se jeta immédiatement sur le cassetin aux O majuscules. Mais qui pourra décrire sa terreur quand sa main en ressortit sans la lettre requise ? Qui peindra sa rage et son étonnement quand il s’aperçut en se frottant le bout des doigts qu’il les avait frappés en vain contre le fond d’un cassetin vide ? Il n’y avait pas le moindre O majuscule, et quand il regarda dans le compartiment aux petits o, il découvrit à son extrême effarement que celui-ci également ne contenait rien.

Frappé d’effroi, le compositeur, de son premier mouvement, courut au metteur en pages.

— Dites-donc, cria-t-il essoufflé, jamais je n’arriverai à rien composer sans o !