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partie inférieure. Essayant de tirer cette malle de dessous le lit, les agents de police se convainquirent qu’à eux trois (c’étaient des hommes vigoureux) ils ne pouvaient pas la faire mouvoir d’un pouce. Ils furent surpris de cette pesanteur, et l’un d’eux rampant sous le lit, regarda dans le coffre.

— Ce n’est pas étonnant, dit-il, si nous ne pouvons remuer cette malle. Parbleu, elle est pleine jusqu’au bord de vieux bouts de laiton !

Et plantant ses pieds contre la muraille de façon à obtenir un solide point d’appui, et poussant de toute sa force, pendant que ses compagnons tiraient de la leur, ils parvinrent ensemble, avec beaucoup de peine, à amener la malle au milieu de la chambre. Son contenu fut examiné. Le laiton dont elle était remplie se présentait sous la forme de morceaux unis variant de la grandeur d’un pois, à celle d’un dollar. Mais ils étaient irréguliers de forme quoique tous plus ou moins aplatis, semblables en somme à du métal que l’on aurait jeté fondu sur le sol, et laissé refroidir.

Aucun des policiers n’imagina que ces fragments métalliques fussent autre chose que du laiton. L’idée que c’était de l’or ne se présenta pas un instant à leur cerveau. Comment une fantaisie aussi étrange aurait-elle pu leur venir ? On peut donc concevoir leur étonnement quand le lendemain, on sut dans toute la ville de Brême que les « bouts de laiton » qu’ils avaient charriés avec tant d’insouciance jusqu’au poste de police, sans se donner la peine d’en empocher le moindre, étaient de l’or, de l’or véritable, de l’or bien plus fin que celui