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ciant, M. Allan, n’ayant pas d’enfants, l’adopta à la prière de sa femme.

Des premières années de Poe, il ne nous a été transmis qu’un trait. On raconte que, doué d’une précocité singulière, habile déjà à sentir et à retenir les vers, il en déclamait souvent de longues tirades, dans le salon de son père adoptif, avec une justesse d’intonation merveilleuse. M. Allan aimait à l’exhiber par vanité et fomentait ainsi dangereusement la surexcitation cérébrale de son pupille. Par bonheur, en 1816, M. Allan dut aller en Écosse régler des affaires d’argent. Il emmena Edgar Poe et le mit à l’école près de Londres, à Stoke Newington, dans l’internat d’un M. Bransby. C’est cette institution que Poe a décrite dans son William Wilson, mais sans grande exactitude. M. Bransby se rappelait Poe comme un enfant éveillé, intelligent, en retard sur beaucoup de choses, mais possédant en littérature et en histoire des connaissances au-dessus de son âge.

Son élève revint en Amérique vers 1821 et reprit ses classes chez un M. Clarke, à Richmond. M. Ingram a réuni sur cette époque une série de souvenirs recueillis chez les anciens camarades de Poe. L’un d’eux raconte que c’était un enfant volontaire, hautain, capricieux, d’humeur revêche. L’institution Clarke était la plus aristocratique de la ville. On y savait que les parents de Poe avaient été des acteurs et que lui-même dépendait de la générosité de M. Allan. Il eut souvent à supporter des plaisanteries humiliantes et des rebuffades ; son caractère impressionnable, agité de passions d’homme fait, s’en ressentit.

D’après un autre de ses camarades, Poe était défiant, d’humeur batailleuse, enclin déjà à proposer et à résoudre des problèmes difficiles. On remarquait sa beauté et sa force physique. Il excellait à tous les exercices gymnastiques, à la nage surtout, où il accomplit de hauts faits, par-