Page:Poésies de Schiller.djvu/89

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lui la joie, qui, par de doux accords, émeut mon âme et qui m’instruit par de hautes leçons. J’ai connu cette jouissance dès ma jeunesse, et ce que je cherchais, ce que j’aimais quand je n’étais qu’un simple chevalier, je ne veux pas en être privé maintenant que je suis empereur. »

Et voilà qu’au milieu du cercle des princes s’avance le chanteur, couvert d’un long manteau ; sur ses tempes brillent ses boucles de cheveux blanchies par les années. « Une douce mélodie repose, dit-il, dans les flancs de la harpe : le poëte chante les tributs de l’amour, il célèbre les plus grandes, les meilleures choses, ce que le cœur désire, ce qui flatte les sens ; mais quels chants seraient dignes de l’Empereur dans cette fête solennelle ? »

« Je ne veux rien prescrire au chanteur, répond le prince en souriant, il dépend d’un plus grand maître que moi, il obéit à l’heure propice de l’inspiration. Comme le vent d’orage qui résonne dans les airs, qui vient on ne sait d’où, et comme la source d’eau qui s’échappe de ses cavités profondes, la chanson s’échappe du cœur du poëte et éveille avec force les sentiments confus qui dormaient dans les âmes. »

Le chanteur saisit sa harpe et en fait vibrer les cordes avec vigueur : « Un noble héros s’en allait sur la montagne poursuivre le chamois fugitif ; son écuyer le suivait avec son épieu ; il était monté sur