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à ton bonheur. Je n’ai vu encore aucun mortel arriver joyeusement au terme de sa vie, quand les Dieux l’avaient comblé de leurs dons.

« Et si les Dieux n’exaucent pas ta prière, écoute le conseil d’un ami. Appelle toi-même la souffrance, choisis parmi tous tes trésors celui auquel ton cœur attache le plus grand prix, et jette-le dans la mer. »

Polycrate, ému par la crainte, répond : « Dans toute cette île, rien ne m’est plus précieux que cet anneau : je veux le consacrer aux Euménides pour qu’elles me pardonnent ma fortune ; » et il jette l’anneau dans les ondes.

Le lendemain matin un pêcheur au visage joyeux se présente devant le prince : « Seigneur, dit-il, j’ai pris un poisson tel que je n’en avais jamais vu de semblable dans mes filets, et je viens te l’offrir. »

Lorsque le cuisinier ouvrit le poisson, il accourut tout étonné auprès du prince et lui dit : « Vois, seigneur ; l’anneau que tu portais, je viens de le trouver dans les entrailles de ce poisson. Oh ! ton bonheur est sans bornes. »

Le roi d’Égypte se détournant alors avec horreur, s’écrie : « Je ne puis rester ici plus longtemps et tu ne peux plus être mon ami. Les Dieux veulent ta perte, je m’éloigne à la hâte pour ne pas périr avec toi. » Il dit, et à l’instant même il s’embarqua.