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Le roi effrayé fait un pas en arrière : « Garde-toi, dit-il, de te fier au bonheur. Pense à la mer inconstante, à l’orage qui peut s’élever et anéantir la fortune incertaine de ta flotte. »

Avant qu’il ait achevé de parler, il est interrompu par les cris de joie qui retentissent sur la rade. Une forêt de navires apparaît dans le port, ils reviennent remplis de trésors étrangers.

L’hôte royal s’étonne : « Ton bonheur est grand aujourd’hui ; mais redoute son inconstance. Les troupes crétoises te menacent d’un péril imminent : elles sont déjà près de la côte. »

Avant qu’il ait achevé de parler, on voit des navires dispersés et des milliers de voix s’écrient : « Victoire ! Nous sommes délivrés de nos ennemis. L’orage a détruit la flotte crétoise, et la guerre est finie. »

Alors l’hôte royal dit avec terreur : « En vérité, je tremble pour toi : la jalousie des Dieux m’épouvante. Nul mortel en ce monde n’a connu la joie sans mélange.

« La fortune aussi m’a souri, la faveur du ciel m’a soutenu dans mes entreprises ; mais j’avais un héritier chéri : les Dieux me l’enlevèrent. Je le vis mourir, et je payai ainsi ma dette à la fortune.

« Si tu veux éviter quelque catastrophe, invoque les Génies invisibles pour qu’ils mêlent la souffrance