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féroces, il attelle à son char les taureaux fougueux. Le Styx même, avec ses neuf contours, n’arrête pas le Dieu hardi : il enlève une amante aux sombres demeures de Pluton.

Il excite le courage de Léandre et le pousse sur les flots avec un ardent désir. Quand le rayon du jour pâlit, l’audacieux nageur se jette dans les ondes du Pont, les fend d’un bras nerveux et arrive sur la terre chérie où la lumière d’un flambeau lui sert de guide.

Dans les bras de celle qu’il aime, l’heureux jeune homme se repose de sa lutte terrible ; il reçoit la récompense divine que l’amour lui réserve, jusqu’à ce que l’aurore éveille les deux amants dans leur rêve de volupté, et que le jeune homme se rejette dans les ondes froides de la mer.

Trente jours se passent ainsi ; trente jours donnent à ces tendres amants les joies, les douceurs d’une nuit nuptiale, les transports ravissants que les Dieux eux-mêmes envient. Celui-là n’a pas connu le bonheur, qui n’a pas su dérober les fruits du ciel au bord effroyable du fleuve des enfers.

Le soir et le matin se succèdent à l’horizon. Les amants ne voient pas la chute des feuilles, ils ne remarquent pas le vent du nord qui annonce l’approche de l’hiver ; ils se réjouissent de voir les jours dé-