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lutte active, par cette lutte désolante dont tous les hommes livrés aux travaux de l’esprit ont plus ou moins éprouvé, dans le cours de leur vie, les violentes agitations.

On sent s’éveiller en soi, dans un instant d’émotion, dans une heure bénie, une douce ou grande idée qui tombe dans les replis de l’âme comme un germe fécond. On voudrait rendre cette idée telle qu’on l’a conçue, avec toute la pureté ou l’élévation qui en fait le charme : mais l’instrument que l’on essaye d’appliquer à cette œuvre est incomplet, le langage dont on se sert alourdit et dénature l’inspiration. De là une sorte de déception, un mécontentement profond des efforts que l’on a tentés, et du résultat que l’on a obtenu. « Le Dieu fait homme, a dit Nodier, c’est le Verbe. La pensée a perdu tout ce qu’elle a de divin, quand elle a été prisonnière dans un tuyau de plume, et noyée dans une écritoire. »

Schiller avait d’ailleurs à un haut degré cette mobile et maladive impressionnabilité de caractère, qui, selon les physiologistes, distingue particulièrement les artistes et les poëtes. Et ce défaut, inhérent à sa nature, s’accroissait encore par l’effet de sa situation physique et sociale.

« Je suis toujours souffrant, disait-il, et je