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le sentiment se conservait encore dans sa virginale pudeur, où la loi qui gouverne le cours des astres et anime le germe caché dans l’œuf, où l’arrêt continu de la destinée qui agite la poitrine de l’homme libre, où les sens fidèles ramenaient l’homme à la vérité, et, de même que l’aiguille nous indique l’heure, lui indiquaient l’Éternel. Alors, il n’y avait point de profanes et point d’initiés. On n’allait pas chercher parmi les morts ce qu’on éprouvait dans la vie même. Chacun comprenait également les règles éternelles et chacun ignorait également la source d’où elles découlaient. Ce temps de félicité n’est plus. Un présomptueux orgueil a troublé le calme divin de la nature. Le sentiment dégradé n’est plus l’oracle des Dieux, et leur parole se tait dans les cœurs avilis. L’esprit seul l’entend encore lorsqu’il s’interroge dans le calme, et des paroles mystiques en voilent le sens sacré. Le sage invoque cet oracle dans la pureté de son âme, et la nature le ramène à la vérité. Heureux homme ! n’as-tu jamais perdu ton ange gardien ? n’as-tu point méconnu les salutaires avertissements de ta conscience ? La vérité se reflète-t-elle encore sans nuages dans tes yeux ? Sa voix résonne-t-elle dans ton sein candide ? L’agitation du doute n’est-elle pas entrée dans ton esprit ? penses-tu pouvoir l’éloigner à jamais de toi ? Penses-tu que tes sentiments en discorde n’auront pas besoin d’un juge, que la perversité du cœur ne