Page:Poésies de Schiller.djvu/163

Cette page a été validée par deux contributeurs.

À MES AMIS.

Mes amis, il y a eu des temps meilleurs que le nôtre : c’est un fait incontestable, et il y a eu des races meilleures : si l’histoire ne le disait pas, les milliers de pierres qu’on tire des entrailles du sol nous le diraient. Mais elle est éteinte, elle a disparu cette race privilégiée, et nous, nous vivons ; les heures sont à nous, et le pouvoir est aux vivants.

Mes amis, il y a, selon le témoignage de ceux qui ont voyagé au loin, des contrées plus heureuses que la terre où nous habitons ; mais si la nature nous impose de nombreuses privations, l’art du moins nous est propice, notre cœur se réchauffe à son foyer. Si le laurier ne croît point sur notre sol, si le myrte ne résiste point à nos hivers, nous voyons du moins reverdir, pour couronner nos fronts, le gai feuillage de la vigne.

Que l’on vante le mouvement de ce pays où quatre mondes échangent leurs trésors, la richesse de la Tamise, marché de l’univers ! Là viennent des milliers de navires, là on voit toutes les choses précieuses,