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PÉGASE SOUS LE JOUG.

Un jour un pauvre poëte dans le besoin amena pour le vendre le coursier des Muses à la foire aux chevaux, peut-être bien à Heymark, où l’on trafique de beaucoup d’autres denrées.

L’hippogriffe hennissait et se cabrait fier et superbe. Chacun le regardait avec surprise et s’écriait : Quelle belle bête ! quel royal coursier ! C’est dommage que ces vilaines ailes déparent sa taille élégante, ce serait un superbe cheval de poste. Une telle race, dites-vous, est rare ; mais qui songe à se faire charrier dans les airs ? et personne ne veut exposer son argent. Un fermier enfin prend courage. « Il est vrai, dit-il, que ses ailes sont parfaitement inutiles, mais on peut les lier et les diminuer, alors ce cheval pourra servir à l’attelage : je veux me risquer à en donner vingt livres. » Le poëte, content du marché, lui crie : « Un homme n’a que sa parole. » Et le fermier s’éloigne avec son emplette.

Le noble cheval est attelé ; mais à peine sent-il ce fardeau inaccoutumé, qu’il s’élance avec