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chemin, saisi par ces douces et trompeuses chimères de la jeunesse, emporté tout d’un coup, sur des ailes d’or, dans une sphère idéale, et bercé comme un enfant assoupi dans l’harmonieuse région des songes ? Les uns, en ouvrant les yeux à la lumière, en observant l’illusion dont ils avaient été le jouet, ont vu, comme Icare, leurs ailes se fondre aux rayons d’une lumière trop vive, et se sont noyés, comme lui, dans une vague impénétrable. D’autres, pleins de force encore après cette chute, ont su rester sur le rivage et s’y frayer une nouvelle route. Schiller était un de deux qui peuvent passer par plusieurs épreuves sans y épuiser leur force et leur pouvoir, et la biographie de ces hommes, qui ont traversé courageusement, noblement, les écueils de l’art et de la fortune, est une étude intéressante dont tout esprit sérieux doit tirer d’utiles leçons.

Schiller avait manifesté dès son enfance un sentiment très religieux. À l’école militaire il conserva le même penchant, et la lecture de Klopstock ne pouvait que le fortifier. En 1777, le souvenir des enseignements de sa famille, les pieuses exhortations de sa mère le dominaient encore pleinement. Il publia dans le Magasin de Souabe une prière qui mérite d’être citée comme une des plus